29 avril 2011

Interlude #5 (prélude à l'Apocalypse)

Clairvaux, 1986.

Il souhaitait protester contre les conditions de détention inhumaines qu'il connaissait depuis maintenant quatre ans. Il avait commis des erreurs, de très graves erreurs. Il était un criminel et il en était conscient. Mais il aurait souhaité qu'on l'aide, qu'on l'éduque. Il aurait voulu qu'on lui donne les moyens, à sa sortie, d'être un citoyen parmi les citoyens. En lieu et place, on l'avait mélangé à des gens bien pire que lui, on l'humiliait quotidiennement et on le préparait à n'être qu'un ex-taulard, un être voué à l'ignorance et à la violence.

Alors, il entama une grève de la faim. Parce qu'il avait lu qu'un certain Gandhi l'avait fait avec un certain succès. Parce que la vie des prisonniers semblait importer si peu qu'il fallait éveiller l'opinion, rappeler aux Français qu'un détenu était tout de même un être humain.

Sa grève de la faim, suivie par quelques-uns de ses co-détenus, connut quelque retentissement lorsque, tout d'un coup, une chanson se fit entendre sur les ondes. Une chanson qui, elle aussi, défendait une cause fort noble. Une chanson dont le retentissement serait autrement plus important que sa petite grève de la faim.

Les paroles disaient une chose un peu curieuse : « Aujourd'hui, on n'a plus le droit ni d'avoir faim ni d'avoir froid ».

Alors même que du fond de sa cellule, il s'interrogeait sur cette notion de droit, cette phrase devint le leitmotiv du pays tout entier. Les dons affluèrent. Les hommes politiques se saisirent de la question. Les pauvres purent enfin manger un peu. Tout cela était une bonne chose, sinon que l'opinion publique estima en effet qu'on n'avait plus le droit d'avoir faim.

Sa grève, dès-lors, fut considérée comme un snobisme. Les médias la dénoncèrent comme telle, puis l'ignorèrent pour de bon.

Au bout de quarante-sept jours, affamé, il jugea raisonnable de mettre fin à ses jours sans attendre l'inanition. Il se pendit dans sa cellule.

Aujourd'hui, vingt-cinq ans plus tard, nul ne se souvient de son nom, pas même ceux qui l'ont connu de son vivant.

22 avril 2011

Interlude #4 (prélude à l'Apocalypse)




I'm so sick and tired of the shit on the radio
And MTV, they only play the same thing
No matter where I go
I see Ashanti in the video
I want something more

We are in need of a musical revolution
We are in need of...

How can you make your way through the world today
When everybody is so angry?
And what we hear affects our hearts...
There's got to be a better way to communicate
So show your love not hate
We are in need of a musical revolution
(We're so tired of the same old...)
We are in need of some spiritual evolution
(We're so tired of the same old, same old...)
We are in need of love
We are in need of love

I'm calling... calling... I'm calling out... calling you...
Doesn't anybody wanna do something new?

(I'm so sick and tired of the shit on the radio)

I'm calling all creators in the movement
It's time to offer a solution to the dilution of what we love
And the greats would be so disappointed
'Cause we've sold our souls for what we don't own anymore
We are in need of...
Lets start a musical revolution
(We're so tired of the same old...)
We are in need of some lyrical evolution
(We're so tired of the same old, same old...)

I'm so sick and tired of the shit on the radio
And MTV they only play the same thing
No matter where I go
I see Ashanti in the video
I want something...
'Cause I'm sick and tired of the shit on the radio
And MTV they only play the same thing
No matter where I go
I see Britney on my video screen

I want something more
Let's start a musical revolution
I want something more
Let's start a musical revolution

Tell me why
A grown man can rape a little girl
But we still hear his shit on the radio
A grown-ass man can videotape a little girl
But we still see his mug up on our video screens?

I want something more
I want something...

17 avril 2011

Interlude #3 (prélude à l'Apocalypse)

Paris, 1995.

Simon Fontaine était à l'apogée de son succès. Un sondage l'avait consacré « plus séduisant des Français », le jury des Césars l'avait honoré du prix du meilleur acteur, les plus grands réalisateurs s'arrachaient son emploi du temps, l'argent abondait. Âgé de trente-sept ans, il ne devait pas tant cette consécration à son physique irréprochable ou à son immense talent qu'au fait qu'il incarnait toute la délicatesse, la distinction, l'élégance que l'on peut attendre d'un homme. Son succès auprès des femmes ne venait pas, comme celui de tant d'autres, d'une attitude virile et rassurante, mais d'une grâce naturelle digne des grandes heures du théâtre français.

Simon Fontaine avait un secret, une de ces bizarreries que l'on préfère garder pour soi car, quoi qu'elles puissent paraître valorisantes, elle pourraient tout autant s'avérer aliénantes. Simon Fontaine ne déféquait pas. Il urinait, certes, mais son organisme n'avait jamais produit l'ombre d'une crotte. Quotidiennement, l'acteur éprouvait pourtant le besoin de se rendre sur le trône, de s'y vider d'une manière ou d'une autre, et la façon qu'avait sa nature de se purger passait par le doute. Chaque fois qu'il se retrouvait sur la cuvette, pantalon baissé, Simon Fontaine doutait. Son assurance naturelle, son habituelle confiance en la vie s'envolaient pour quelques minutes, et il concevait intérieurement les pires doutes existentiels. La vie lui semblait soudainement dépourvue de sens, la création tout entière lui apparaissait comme absurde, ridicule, intolérable de vacuité. Ainsi envahi par l'effroi, il suait à grosses gouttes, et c'est probablement de cette manière qu'il évacuait ce qu'il avait ingurgité.

Et c'est ainsi que, le 14 juin 1995 à quinze heures vingt-deux exactement, Simon Fontaine fut terrassé par une crise cardiaque. La vie lui échappa d'un coup, alors qu'il était aux toilettes. Le doute, après trente-sept ans, était devenu si intense, si insupportable, que son organisme avait lâché, ni plus ni moins.

Le drame, quoi que nul n'en mesura la portée, fut que l'on retrouva Simon Fontaine dans cette position humiliante, et que la presse affirma sans réfléchir qu'il s'apprêtait à couler un bronze au moment fatidique. Et c'est ainsi que l'homme qui incarnait la plus haute élégance, le seul homme dont la distinction était telle qu'il ne déféquait pas, resta gravé dans la mémoire populaire comme « l'homme qui a rendu l'âme pendant qu'il chiait ».

14 avril 2011

Interlude #2 (prélude à l'Apocalypse)

- Menteur ! Tu n'existes que pour valoriser ton ego, que pour dominer les autres !
- Si seulement... Ma vie serait plus simple...
- N'avoueras-tu donc jamais ?
- Vois-tu, Mutant-barbu-obèse, je voudrais tant pouvoir te dire oui, te simplifier l'existence, mais la chose est que depuis tout petit, je ne puis que constater que quelque chose ne tourne pas rond sur cette terre !
- Ha ha ! La belle affaire ! On est tous des rebelles !
- Oui, sinon que toi tu essaies de détruire ce qui te déplait, lorsque moi je hurle dans le vide pour bâtir ce qui peut-être pourrait fonctionner !
- Pour qui tu te prends ? Qui es-tu pour savoir ce qui pourrait fonctionner ?
- Putain, mec, j'en sais rien, mais au moins j'essaie...
- Oui, mais il faut d'abord tuer tous les méchants !
- Ils t'auront tué avant, et moi je serai toujours là en train d'essayer...
Et là il ne peut plus rien répondre, parce que pendant que je pose délicatement une brique sur la précédente, un méchant l'a abattu.

11 avril 2011

Interlude #1 (prélude à l'Apocalypse)

Philadelphie, 1953.

Un homme rentre chez lui après une longue journée de travail. Parvenu au living-room, il se trouve nez-à-nez avec un monstrueux amas de tentacules frétillants en lieu et place du nouveau canapé (acheté quelques jours plus tôt pour la moitié de sa valeur). Déconcerté, il appelle sa femme : « Chérie, est-ce que tu es là ? Il y a quelque chose de vraiment étrange dans le living-room ! ». Alors, il entend une voix étouffée prononcer d'un ton las : « Oh... Allez, partez les poulpes ! ». Les poulpes entassés se soulèvent et, les uns après les autres, s'envolent par la fenêtre. Leur disparition révèle l'épouse nue, affalée sur le canapé. Elle baille puis, d'un air distrait, demande à l'homme ce qu'il désire pour le dîner.  
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...